"T'es où? Je crois qu'il y a qqn dans la maison!"
SMS de Matthieu quand Jacques et moi étions sur la route, à la porte de Paris à 23h passées. J'ai eu du mal à saisir tout de suite la situation.
Un deuxième SMS suit aussitôt après :
"Vous êtes où! J'ai vraiment peur!"
Je commence à m'affoler et le rappelle mais il ne répond pas.
Un troisième SMS bombarde mon écran :
"Vous êtes où enfin ! Je ne veux faire aucun bruit !"
On sent son affolement. Ça a l'air sérieux. Je lui dis, par SMS, qu'au contraire, il faut faire du bruit, allumer partout, faire semblant de parler à Jacques, par exemple, et appeler la police.
Jacques fonce sur l'autoroute. Mon cœur bat fort.
Quatrième SMS : "J'ai appelé la police".
Mais oui, la porte n'était sûrement pas fermée. Depuis que l'entrée arrière a été cassée, nous utilisons la porte côté rue mais comme c'est une très vieille porte et que c'est extrêmement difficile de la fermer de l'extérieur, on la laisse souvent ouverte. En tout cas, il n'y a presque plus rien dans la maison, sauf encore une télé au salon. Le reste a été transféré dans la maisonnette, mais nous nous accrochons à dormir dans la maison, chacun dans sa chambre. Et voilà, ce qui nous arrive ! Je me mords les doigts.
Les policiers sont arrivés drôlement vite, paraît-il. En civil et en uniformes, ils ont débarqué en masse, à... dix ! D'après le récit de Matthieu, c'était vraiment comme dans un film policier. Ils sont sortis des voitures comme un commando, se sont divisés en plusieurs groupes, et ont entouré la maison, cette pauvre maison minuscule éventrée... Pendant ce temps-là, Matthieu tremblotant restait sur le balcon avec Tintin collé à ses pieds et le portable à l'oreille, connecté à une policière qui lui disait "restez en ligne, ne bougez pas".
En fait, c'était parce que Tintin effrayé, d'on ne sait quoi, est monté au 1er étage pour gratter la porte de sa chambre que Matthieu est sorti sur le palier et a tendu l'oreille sur ce qui se passait en bas. Au début, il a cru que nous étions rentrés. Il a lancé un mot, mais pas de réponse. Par contre, il a entendu des grincements discrets de parquet, un silence à un moment donné, les grincements de nouveau, et tout d'un coup le bruit de papiers comme si quelqu'un fouillait dans nos affaires. Mais oui, ça ne pouvait être qu'un voleur !
Depuis que l'entrée, le WC et la cuisine ont été démolis, le mur de cage d'escalier côté salon a été ouvert, un peu sauvagement, pour qu'on puisse continuer à monter. L'autre côté qui est vide a été bouché par une planche de bois et une bâche. La maison mutilée mais habitée à moitié a un drôle d'air. Matthieu dit qu'il s'est complètement senti coincé au premier étage. Il n'y a pas d'issue de secours !
Et l'intrus ? Personne...
Les policiers n'ont rien trouvé. Matthieu a été gêné à mort devant tout ce déploiement. En plus, il n'a même pas vu le type fuir. Ce n'est pas possible !
Quand nous sommes arrivés à la maison, les policiers n'y étaient plus. Calme total. Rien n'avait bougé. Aucun trace... A-t-il rêvé ?
"Je te jure ! J'ai vraiment senti la présence de quelqu'un!"
Il est vexé car lui-même il ne comprend pas très bien ce qui s'est passé.
Le lendemain matin, Paul ajoute : "Oui, moi aussi, j'ai entendu les pas. Ce n'était pas Mik (baby-sitter qui est partie vers 22h30) ni Matthieu. Mais bon, je me suis endormi..."
En tout cas, l'heure ne correspond pas.
Je ne crois pas que nos garçons aient rêvé. Y avait-il alors vraiment un visiteur ? Il est venu à 23h, quand il y avait encore une lumière à la fenêtre ? Il ne choisirait pas plutôt 3h le matin ?
Ma conclusion est celle-ci : le fantôme de la maison s'est manifesté ! Ou l'esprit de la maison si vous voulez.
Triste ou inquiet du sort de la maison, il a dû venir errer sur notre chantier de ruine...
Je me suis donc adressée à lui à haute voix. (Heureusement une amie m'avait appris comment parler à un fantôme.)
"Ne t'inquiète pas. Nous prenons soin de ta maison. On ne la détruit pas bêtement, tu sais. On l'aime bien. On la rajeunira avec respect. Allez, tu peux maintenant t'en retourner là où tu étais. "
Je crois qu'il s'est vite apaisé et nous confie maintenant "sa maison" de son plein gré.